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Carnet de bord 03

Grenouilles, poils de bourdon, siphon de mye et vertèbre d’oiseau

Les îles Pèlerin
47°44'25.9"N 69°42'33.0"W

By William Gagnon

Building engineer LEED AP BD+C, LEED AP ND, LFA, ECO Canada EPt

By William Gagnon

Building engineer LEED AP BD+C, LEED AP ND, LFA, ECO Canada EPt

Environment | Society | Case file

Ecoanxiety and the ecological grief, the new state of mind

Imagine you are walking through a forest by yourself in the woods, with your earphones on, lost into some deep thoughts.  Suddenly, a bear appears a few metres ahead and it’s running towards you. Your body gears into a reaction, survival mode that we call fight or flight.   This is how various animals fled from predators, and survived.  This fight or flight mode is a constructive unpleasant emotion : it’s allowed us to evolve and survive up to this day.

 

Now you’re on the bus home reading the news.  Melting glacier. Rising sea levels. Increasing carbon dioxide levels, and politicians stalling more than ever.  You’re getting this very uncomfortable feeling. Depressed, anxious, sad, outraged : Ecoanxiety is also a Constructive Unpleasant Emotion; but you need to know what to do with it. However uncomfortable it might make us feel, however annoying it might be (we have a strong tendency to avoid thinking about it), we as a species need to figure out ways to react to it.  It might just save our existence on this planet. 

 

Watching the slow and seemingly irrevocable impacts of climate change unfold, and worrying about the future for oneself, children, and later generations, may be an additional source of stress (Searle & Gow, 2010). Albrecht (2011) and others have termed this anxiety ecoanxiety. Qualitative research provides evidence that some people are deeply affected by feelings of loss, helplessness, and frustration due to their inability to feel like they are making a difference in stopping climate change (Moser, 2013).

Now humans are faced with the threat of extinction -- yet we are slow at running away from the danger.  We are bombarded with negative news on a daily basis and this is causing a lot of anxiety. We are slowly building a set of emotions that is helping us as a species survive this existential threat, and ecoanxiety is one of them: it’s a constructive unpleasant emotion, if you know how to channel it. 

 

Some of us have an easier time expressing it, like Greta Thunberg; she is very open about her Asperger’s syndrome that allows her to see only black and white. In her TED talk, she explains that it is one of the reasons why she is speaking up about climate change.

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“La mye possède deux siphons largement extensibles qui sont situés du côté postérieur de la coquille [...]. Les siphons sont soudés et recouverts d’une membrane protectrice. Le plus gros des deux siphons, le siphon inhalant, sert à aspirer l’eau et les particules qu’elle contient tandis que le plus petit, le siphon exhalant, sert à expulser l’eau, les fèces et les gamètes lors de la reproduction [...]. À l’opposé des siphons se trouve un organe musculaire, le pied, qui assure une certaine locomotion et permet à la mye de s’enfouir dans le substrat.” (Merinov, 2021)

Poils de bourdon, siphon de mye et vertèbre d’oiseau
 

Pendant l’Expédition Bleue, on navigue, on mange, on rit, on discute et on travaille en compagnie de collègues de divers domaines dont on ne connaissait presque pas les recherches ou la recherche-création, avant de larguer les amarres.
 

On est fières : pour la troisième fois, la mission est portée par des chercheuses accompagnées de leurs étudiantes.

Elles constituent 80 % de l’équipage.
 
Chacune est intriguée par les protocoles et les données des autres.

Sur L’Isle-aux-Grues, Natalie, spécialiste en performances et multimédia, anime un atelier d’écoute polysensorielle du lieu. Dans cette réserve naturelle où Jean Paul Riopelle a peint ses dernières toiles, elle nous invite à redécouvrir certains éléments naturels par le sens du toucher, comme le font spontanément les enfants. Polypores, roches, bouts de bois flotté, morceaux d’écorce, coquillages et plumes passent de main en main. On redevient une fillette et on palpe. On ferme les paupières afin de mieux se concentrer sur les autres sens que la vue. On essaie de mettre des mots sur les formes et les textures. Lisse, granuleuse, douce, fibreuse, homogène, rugueuse, dure, crayeuse, aqueuse, effilée : la variété des matières nous surprend. La branche de bouleau nous rappelle les étés de camping en famille dans les parcs nationaux et les feux de camp des soirs d’enfance. On réentend l’harmonica de papa, on voit encore le sourire de maman, on plonge de nouveau la main dans le sac de guimauves. On s’en souvient. C’est spongieux, un peu farineux et collant. En chœur avec sa sœur cadette, on suppliait d’en griller encore une, une dernière, c’est promis, s’il-te-plaît-s’il-te-plaît-s’il-te-plaît-maman.
 
On oublie les consignes. On oublie les collègues. On prend des notes et des notes dans son carnet. On effectue des recherches sur Jean Paul Riopelle. En deux clics sur le cellulaire, on se perd dans les blancs, les jaunes, les gris et les ocres des Oies-tempêtes et du Soufflé d’oies. Quelques jours avant l’expédition, avec Anne-Marie, Viridiana et Laurence, il y avait tant de choses à penser qu’on a eu l’impression d’être une chimère à plusieurs têtes au bout d’un même cou de palmipède.
 
De retour sur le voilier, on découvre que Natalie a enregistré des images en ajoutant un objectif macro sur son cellulaire. Sa vidéo nous invite à pénétrer la corolle d’un églantier dans le sillage d’un bourdon, comme si on était sur son dos. On peut presque toucher les pétales soyeux et le velours des poils jaunes et noirs du pollinisateur. On est émerveillées. On butine avec l’insecte. On imagine le goût du pollen. Un nectar sucré, un peu astringent, acidulé, poudreux sur les étamines. Encore un peu et on s’envolerait jusqu’au mât du Bleuet.

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On papillonne d’une chercheuse à l’autre. 

 

On questionne maintenant Anne-Marie, qui, entre autres tâches, pêche des moules, des myes et des oursins en apnée. Entre les îles de Kamouraska, le courant était trop fort. Elle a dû se rabattre sur ce qu’elle a trouvé à marée basse, sur l’île aux Corneilles. Il a fallu creuser dans le sable pour déterrer les myes. Les moules se cachaient au fond de petites piscines d’eau saumâtre, sous le fucus. Quand Anne-Marie collecte des invertébrés, elle accumule les spécimens dans un sac en filet qu’elle ramène ensuite sur le bateau. Cette fois, ils sont minuscules. Le protocole pour les conserver ressemble à ceci : d’abord, on place une règle à côté de l’individu. On photographie ce premier couple, et ainsi de suite pour tous les autres, ce qui permet de mesurer chacun des spécimens et de noter ses dimensions. Ensuite, on les enveloppe respectivement dans du papier d’aluminium. On improvise une étiquette. Papier collant, feutre indélébile. Sur la première papillote, on peut lire : muss_1_a. On glisse le mollusque ainsi emballé dans un sac de plastique sur lequel on identifie de nouveau le condamné. Il agonisera avec ses pairs, au congélateur. Funeste destin. Se sacrifier pour la science. « Condamné, agoniser, funeste, destin, sacrifier ». Ces termes indiquent-ils qu’on tanguerait vers le pathocentrisme ? Il conviendra de vérifier auprès de Dany, notre collègue qui s’intéresse aux éthiques de l’environnement. 


On se figure qu’on est une mye et on manque d’air. Cauchemar d’invertébré. À la place du bivalve, on se défendrait en crachant, c’est certain. Hop, on chargerait son « siphon exhalant ». On expulserait les fèces, l’eau saumâtre et les gamètes. Et pssschuiiiiittt au visage de la géante.

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Quelqu’un crie : botte à la mer, botte à la mer ! Pendant la mission, quand la houle s’accentue, on ne pêche pas que des oursins, des moules et des myes. On a dû rescaper une des bottes de pluie de Guillaume. La gauche. Intrépide, elle pensait enfin concrétiser son fantasme : devenir barque de caoutchouc. 

 

Elle s’était enfuie avec une chaussette. On aurait dû les laisser s’échouer sur les berges d’une île de l’estuaire du Saint-Laurent. Elles se seraient transformées en artefacts. Dans 50 ans, elles auraient pu devenir des objets d’études si elles avaient été trouvées par une archéologue comme Marijo.

 

Entre le pouce et l’index, délicatement, pendant qu’elle nous explique la nature de ses collectes, Marijo tourne une vertèbre d’oiseau. On sent tout le respect qu’elle voue à l’écofact. Aujourd’hui, elle s’est baladée sur la plage, à l’île aux Corneilles, pour chercher des déchets qui s’avéreraient potentiellement des vestiges archéologiques. Elle a trouvé divers objets anthropiques – c’est-à-dire qui sont relatifs à l’être humain, précise-t-elle. Vieil emballage bleu pâle; morceau de plastique blanc, pointu, très rigide; éclat de plastique rouge avec des indications – elle ne peut déduire à quoi ces dernières servaient. Certains items rapportés constituent des artefacts typiques. Par exemple, ce fond de bouteille vert clair. Étant donné l’épaisseur et les angles droits des parois, il aurait pu être moulé, mais il n’y a pas de trace de moulage. C’est un détail, mais Marijo mentionne qu’il est particulièrement intéressant. L’objet a vraiment la forme typique des bouteilles de médicaments ou d’huile qu’on voyait au 19e siècle. Il ne faut pas s’emballer tout de suite, l’objet pourrait être récent. Certaines formes subsistent pendant 50, 60 ans. Marijo a aussi trouvé de la céramique. Fine, avec une glaçure blanche, assez difficile à dater. Il ne faut pas se fier aux marques ni aux encoches : ce n’est pas parce qu’un artefact a l’air abîmé qu’il est plus vieux. Il y a aussi cette agate de verre poli. Pour avoir cet aspect-là, ça fait un bon moment qu’elle a voyagé dans l’eau. À la lumière de l’épaisseur, il s’agit probablement d’un fond de bouteille de vin, parce qu’on peut imaginer le cercle et le compléter. Comme éblouie, elle précise que cet autre morceau de verre plus coupant est vraiment digne d’intérêt. Il comporte des indications. Un chiffre, une mesure : 40 onces. On distingue aussi une flèche qui monte. C’est moulé dans la vitre, ça vient probablement d’un contenant qu’on pouvait remplir et qui servait à doser quelque chose. 

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Satisfaite, Marijo referme le Ziploc dans lequel repose sa collection et elle sourit. Elle ajoute que ces trouvailles ne sont pas nécessairement extraordinaires, d’un point de vue archéologique, mais elles donnent le coup d’envoi à son travail sur le terrain.
 
On prend des photos. On aime particulièrement la vertèbre d’oiseau. On questionne la chercheuse : pourquoi ramasser des os ? On apprend que les archéologues conservent toujours les ossements qu’ils trouvent sur le terrain. Leurs couleurs révèlent entre autres si les animaux ont été cuits ou bouillis. Quand ils comportent des traces de dents, on peut déduire s’ils ont été mâchouillés ou cassés, si l’animal a été la proie de rongeurs ou la victime de plus grands carnivores. On appelle ça des traces taphonomiques. Ça relève de la zooarchéologie. 
 
Marijo ouvre son cahier, tourne une page. Déjà de retour dans ses notes. À leur arrivée dans les voiliers, tous les membres de l’équipage ont reçu un carnet identique, à l’effigie de l’Expédition Bleue. 

On se demande souvent ce que les autres écrivent. 

Personne ne se doute que les données littéraires – des mots tirés des entrevues qu’on a menées avec les chercheuses – deviendront une entrée de blogue coiffée d’un titre tel Grenouilles, poils de bourdon, siphon de mye et vertèbre d’oiseau.
 

Camille Deslauriers 
 

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Durant l’Expédition Bleue, on se retrouve parfois dans une sous-équipe surprenante, une créature à plusieurs têtes, un blob, une hydre du Saint-Laurent. Une géographe, un documentariste, une photographe et une poète emballent joyeusement des myes et des moules en buvant leur café sur la plage du Vanamo. Ces missions du quotidien peuvent sembler anecdotiques ou pratiques, mais elles affectent profondément l’expérience que chacune tire de l’expédition.


Pour Laurence, coordonnatrice à la pollution plastique de l’Organisation Bleue, le contact avec les créatrices littéraires est une rare occasion de visibiliser la recherche scientifique. Dans la vraie vie, le travail de son équipe passe souvent sous le radar. Ici, elle collabore avec des gens qui cherchent et qui trouvent les mots justes, des reines pour transmettre les savoirs, les réalités et les enjeux.


Maximilien, co-réalisateur, reconnaît aussi la chance qu’il a de baigner dans une équipe aux missions multiples. Au fil des projets de l’Organisation Bleue, sa passion du cinéma s’arrime enfin avec ses valeurs écologiques. Il a un rôle concret à jouer, une façon inédite de donner un sens à son métier. Entre les prises vidéo, les sorties de drones aériens et les entrevues, il assiste les plongeurs avec Fifish, le drone sous-marin, participe aux collectes de déchets et prend des photos argentiques pour le plaisir. On participe à l’Expédition avec l’entièreté de notre personne, sans être définies par notre discipline et notre titre. 


Sur le pont du Bleuet, Maximilien demande c’est quoi déjà le nombre de pieds dans un haïku? On répond et chacun se replonge dans son cahier. Cassandra, étudiante en biologie marine, a commencé à tenir un carnet créatif pour documenter son expédition. Et Guillaume, le directeur photo, vient d’esquisser un portrait d’Éloi, l’un des capitaines, qui s’est donné le défi de composer à la guitare une chanson à l’image de notre groupe. L’envie de créer percole doucement à travers l’équipage. Une douce ébullition de travail et de plaisir sert de trame de fond pour qu’émerge la créativité. Personne n’en sort indemne : il est difficile, lorsqu’on est immergées dans de tels paysages et en bonne compagnie, de rester indifférentes et de ne pas créer.


Si les artistes à bord assistent les scientifiques et se nourrissent de leur connaissance précise du territoire, la réciproque est aussi vraie. L’équipe est animée d’une curiosité mutuelle qui donne sans cesse lieu à des croisements entre les disciplines. Ces incursions dans l’univers de la création sont aussi naturelles que courageuses. Des gens qui ont l’habitude des formes de travail dites objectives se permettent la sensibilité. On réalise qu’au final, même si on voit notre expérience commune à travers les lentilles de nos disciplines respectives, on la vit nécessairement par une humanité qui est collective. 

 

Rose Gagnon-Yelle
 

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