

Premier échantillon
Carnet de bord de l'Expédition Bleue
Mis en ligne le 2 septembre 2022
Co-écrit par Kateri Lemmens et Laura Rowenczyk
À bord de l’impressionnant voilier Ecomaris, un équipage diversifié, mené par 7 femmes, dont certains issus de la communauté LGBTQ2+ et leurs acolytes participeront au projet qui parcourra le golfe du Saint-Laurent et ses rivages pendant près de trois semaines pour étudier et documenter la pollution plastique et témoigner des changements climatiques.
Durant le périple de 20 jours au coeur du golfe du Saint-Laurent, nous publierons une panoplie de carnets de bord, microrécits et cartes postales, le tout produit par l'équipe à bord du voilier.
Bienvenue à bord!
Premier échantillon
Premier échantillonnage pour mesurer les microplastiques dans le Saint-Laurent au large de Sept-Îles.
On pense à la vie des plastiques, à nos vies pleines de plastiques, à nos addictions aux bébelles de plastiques – biberons, applicateurs de tampons, sacs, pots de tout ce qu’on peut imaginer, tissus bourrés de plastiques, cosmétiques – que les pluies portent vers les rivières et les fleuves. Soleil, variations de températures, abrasions, les plastiques se fragmentent en microplastiques, ces minuscules éponges qui adsorbent et concentrent d’autres polluants… et entrent dans la chaîne alimentaire et le corps des organismes aquatiques et les entrailles du vivant.
L’enjeu de la mission, ce sont aussi nos corps sensibles dans l’environnement.
Dans les nids où nous nous tissons.


On nous a parlé de l’écoféminisme. Ça chatouille. De l’articulation écoféminisme-microplastiques-changements climatiques. Ça étonne. Pourtant, quand on prend un moment pour lire un peu sur l’écoféminisme, par exemple, Émilie Hache, et qu’on y réfléchit les rouages de l’exploitation ou la dégradation des corps, des esprits et de la nature se ressemblent. Des êtres objets, puis marchandises.

Alexis le capitaine, Geneviève et Viri font un échantillonnage de microplastique.
À l’inverse, écoféminisme, artistes et littéraires recouvrent des rapports qui ne sont ni destruction ni exploitation. Faire voir le sensible, faire entendre des récits, poser des gestes pour soigner ou guérir, plutôt que de chercher à manipuler ou à rentabiliser.
On pense à la figure de la sorcière, proche de la nature et détentrice de savoirs qui touchent aux naissances, aux maladies, aux guérisons, à la sensualité, à la sexualité. On pense aux chaudrons, aux baumes, aux onguents. Et aux opérations de notre chimiste-sorcière avant l’expédition. Aux racines des savoirs, de la nature naissantes en floraisons incessantes, en arcs de vie et de mort.
«
On imagine souvent que la chimie est une science exacte, prévisible, factuelle. Au laboratoire, quand on équilibre une réaction, celle-ci conduit à un résultat.
Sur un bateau, c’est différent.
»




Laura, ingénieuse physico-chimique, réalise des tests avec la sonde HANNA prêtée par l'INREST. Ces données servent notamment à capter la température de l'eau, la conductivité, le pH et l'oxygène dissous. En bas, les petits pots et les sacs d'échantillonnage servent à attraper les microplastiques. Puis la pompe, qui permet d'amener l'eau à travers les filtres.
Sur le bateau, nos corps en mouvement écrivant contre le Saint-Laurent en mouvement. Le Magtogoek, en Algonquin, le chemin qui marche. À elle seule cette idée mérite qu’on s’y attarde.
Une voie toujours changeante qui se porte elle-même.
Les chemins qui s’ouvrent à nous.
Ce qu’on en fait.

