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La Trace

Par Olivier Cameron Trudel

Biologiste de la faune & Photographe
 

Comprendre | Société | Environnement

Temps de lecture: Environ 5 minutes

Photographie et texte par Olivier Cameron Trudel

Mis en ligne le 5 décembre 2018

Photo reportage aérien du Québec. Cette métaphore dans l'espace à bord d'un vaisseau spatial soulève un questionnement fondamental sur l'écologie et notre rôle en tant qu'humain sur terre. 

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Connaissez-vous votre empreinte écologique?

Quelle trace laisserez-vous derrière en tant qu'habitant de la planète?

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La terre est approximativement ronde, vivante et conséquemment connue sous le nom de Biosphère. Bien que les sciences économiques aient mis un temps fou à le reconnaître, la planète est bel et bien une boule finie. Puisque les ressources y sont limitées dans l’espace et/ou dans le temps, la croissance infinie sur terre n’est pas possible, contrairement au paradigme de l’économie basée sur la croissance infinie du capital. L’utilisation des ressources versus la quantité limitée de celles-ci dictent plutôt les règles par un principe simple: rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

 

Ce système terrestre génère, et régénère divers produits et services, dont l’espèce humaine fait partie des bénéficiaires. Comme pour un système économique, la régulation de la production terrestre peut être observée sous l’angle de l’offre et de la demande. La différence entre ce que la planète terre peut produire, fournir, absorber (l’offre) et ce que l’espèce humaine consomme et engendre comme déchets (la demande) converge vers un solde, positif ou négatif, comme dans un compte bancaire. Ce solde, dans ce cas-ci, est écologique, et se mesure sur l’ensemble des ressources utilisées dans le système fini qu’est la biosphère.

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La trace qu’aura un humain au cours de son existence sera le résultat de la série de ses choix de consommation. C’est ce que l’on appelle l’empreinte écologique, et elle peut varier énormément selon la région géographique, les habitudes de transport, la grandeur du logement, les choix alimentaires, etc. (global footprint.org). Nous sommes 7,65 milliards d’humains sur une petite sphère bleue et verte, partageant un voyage commun, consommant des ressources limitées, et … nous n’avons nulle part d’autre où aller vivre.

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Imaginez que la planète Terre, avec toute la complexité de ses systèmes écologiques et toute sa biodiversité, soit représentée par un vaisseau spatial électrique sophistiqué voyageant dans l’espace. La navigation de ce vaisseau nécessite d’utiliser la réserve des batteries, qui sont rechargées par l’énergie solaire. Actuellement, l’équipage utilise plus d’énergie que les panneaux solaires du vaisseau peuvent en générer. Le hic, c’est que la capacité totale de la charge initiale demeure inconnue. Manquer de batterie peut avoir des impacts importants, et ainsi compromettre la progression de l’intégralité du vaisseau dans l’espace-temps, rendre impossible l’évitement d’une probable collision avec un corps céleste, ainsi que diminuer la capacité du vaisseau à absorber un choc.

À plus petite échelle, le vaisseau est un système qui fonctionne grâce au travail conjoint d’une diversité de pièces, de boulons, de plaques de métal soudées … Lorsqu’on fait l’inventaire des différentes pièces du vaisseau, on constate que plusieurs ont disparu au fil du temps. Chacune de ces pièces isolément n’est peut-être pas nécessaire au fonctionnement du vaisseau, mais il y a un seuil où la disparition d’une pièce de plus risque de faire basculer le fragile équilibre du système. Nous avons la chance que la biosphère soit un système rempli de redondances fonctionnelles (ex.: différentes espèces peuvent polliniser, ou encore, décomposer la matière organique), ce qui nous a acheté un peu de temps... Mais ont également retardé la détection du “déboulonnage” du système et l’appréhension des impacts qu’il aurait. À force de démonter des pièces, de couper des fils et d’arracher des tuyaux, nous nous retrouvons avec un vaisseau dont la climatisation ne fournit plus, dont l’eau est impure et/ou manque dans certains secteurs alors que d’autres sont inondés. Si la perte de certaines fonctions du vaisseau semble désagréable et coûteuse pour l’humain, la perte d’autres fonctions devient tout simplement dangereuse.

 

Est-ce que le vaisseau qui est notre planète pourra éponger le “déboulonnage” écologique encore longtemps ? Pendant combien de temps les batteries et les pièces restantes du vaisseau permettront de soutenir les constituantes essentielles au fonctionnement de nos précieux écosystèmes ? Bien difficile de le prédire…

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Un groupe de scientifiques a développé le concept des “limites planétaires” qui représentent les limites à ne pas dépasser si l'humanité désire conserver un écosystème sûr, minimisant du même coup les probabilités de modifications brutales et difficilement prévisibles de l'environnement planétaire. Cette approche découle du fait que nous avons tout avantage à maintenir le système planétaire dans des conditions comparables à celle de l’Holocène, ère géologique où l’espèce humaine s’est développée. Selon le résultat de leurs recherches, nous aurions dépassé les limites sécuritaires de plusieurs importants indicateurs considérés, notamment pour la diversité génétique, les changements climatiques, les flots d’azote et de phosphore ainsi que pour la modification du système terrestre. Gardons à l’esprit que nous vivons dans un système fermé et unique à des années-lumière … notre précieux vaisseau !

 

Quelle forme prendrait un effondrement de système(s) écologique (s) ? Si un, ou des systèmes de la biosphère perdaient leur capacité à produire des biens et des services (la pollinisation des abeilles, l’assainissement de l’air par les milieux forestiers, les protéines alimentaires fournies par la mer, la filtration des substances toxiques par les sols et les milieux humides, etc.), comment cela arriverait-il ? De façon ponctuelle, graduelle ou plutôt en effet domino ? Les deux éléments prioritaires pour assurer la stabilité du système planétaire sont la biodiversité et le climat, et les deux sont sérieusement impactés par nos activités, le coeur du moteur du vaisseau. Puisque plusieurs éléments sont interconnectés, il est logique de penser que l’effondrement d’un des systèmes ou des cycles écologiques pourrait mener au bouleversement d’autres briques constitutives de la biosphère, et ceci, de façon probablement abrupte. Lorsqu’une des étapes de la chaîne de fonctionnement ne fournit plus, c’est le vaisseau tout entier qui risque de s’arrêter …

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Nous devons reconnaître que l’humain se trouve à une croisée des chemins. Nous avons le privilège de nous trouver à une époque déterminante pour notre espèce. Nous sommes parmi les premières générations à percevoir aussi clairement la surexploitation et  les pressions menaçant les systèmes de la biosphère ; résultat de nos propres activités. Mais nous nous trouvons aussi possiblement parmi les dernières générations qui peuvent encore changer le cours des choses afin de limiter l’ampleur des désastres que nos actions causent. Il faut trouver des solutions, rapidement, changer le récit qui se dessine pour l’avenir de l’humanité … Nous devons provoquer le revirement en prenant part à la réalisation du récit.

 

Il faut se positionner par nos actions … Mener celles-ci au jour le jour, et faire notre bilan, comme un budget, sur une période qui nous permet d’apprécier nos avancées, et d’en mesurer l’efficacité face aux urgences écologiques. C’est une question de respect de l’environnement, mais aussi du bien commun … une forme de responsabilité et d’humilité face à notre vaisseau spatial et toutes les formes de vie qui l’occupent.

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Quelle trace choisirez-vous de laisser lors de votre passage sur terre ?

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En savoir plus

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Références

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  1. Penuelas J., Poulter B., Sardans J. et al. (2013). "Human-induced nitrogen–phosphorus imbalances alter natural and managed ecosystems across the globe"Nature communications, 4, 2934.

  2. Steffen W., Persson Å., Deutsch L., Zalasiewicz J. et al. (2011). "The Anthropocene: From global change to planetary stewardship". Ambio, 40(7), 739.

  3. Steffen, W., Richardson K., Rockström J., Cornell S. E. et al. (2015). "Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet". Science, 347(6223), 1259855.

  4. Vörösmarty C. J., Sahagian, D. (2000). "Anthropogenic disturbance of the terrestrial water cycle". AIBS Bulletin, 50(9), 753-765.

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Olivier Cameron Trudel

Biologiste de la faune, Photographe & Explorateur terrestre

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Sur le terrain en photographie conventionnelle, en hélicoptère ou en kayak, Olivier capture la nature et ses animaux dans son essence la plus pure, sans artifice. Il poursuit constamment ce petit moment, cette étincelle dans l’oeil de l’animal ou par des paysages extraordinaires où l’humain est sans équivoque ramené à se rappeler qu’il fait partie prenante de l’écosystème.

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