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Carnet de bord 01
Tempêtes, étincelles et feux d'artifice
Bassin Louise, Port de Québec
6°49'09.9"N 71°12'12.4"O
Mis en ligne le 26 juin 2025
Recueil de fragments co-écrit par Rose Gagnon-Yelle, Dany Rondeau, Chloé Laduchesse et Marina de Seta
L’Expédition Bleue revient pour un troisième et dernier chapitre dans le Saint-Laurent. L’équipe fait les choses en grand avec sa flottille composée des voiliers Vanamo et Bleuet et son équipe interdisciplinaire composée à 75% de femmes. Les volets scientifique, littéraire et documentaire sont de retour et s’enrichissent du regard de chercheuses en écotoxicologie marine, en communication, en éthique et en archéologie.
Les deux voiliers voyageront pendant 18 jours dans les îles de l’estuaire du Saint-Laurent, de l’eau douce de l’Île d’Orléans à l’eau salée de l’Île Saint-Barnabé. Suivez leur mission de recherche en direct à travers les carnets de bord, les cartes postales poétiques et les réflexions qui paraitront en ligne au fil de l’expédition.
Bienvenue à bord!
Tempêtes, étincelles et feux d'artifice
Être un peu plus calme, cette fois.
Il y a toujours des visages inconnus, un bateau qu’on apprivoise, une aventure nouvelle, mais le cœur, lui, est calme. Les yeux se croisent, les conversations se déposent. On n’a plus à se convaincre de la place qui nous revient. Il suffit d’une phrase pour réapprendre à écrire ensemble.
Avant même l’activité brise-glace, on ne s’en sauve pas, viennent les histoires de chats. Ensuite arrivent les chiens et les lapins, puis les déménagements, les projets, les doutes. Et on se rencontre en revenant aux certitudes. La chaleur, les convictions, le bleu.
Si on ne se découvrait pas faillible, on ne se découvrirait pas du tout. Quand on entend la houle, devant, on met un peu de sa carrure dans nos propres réserves. On s’enseigne, l’une l’autre, la confiance.
On a convergé à l’horizontale – autobus, train, autos électriques – et on partira feux d’artifice. Le regard tourné vers les oiseaux, les oursins, l’horizon, on devient multidirectionnelles.
Rose Gagnon-Yelle
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Le soir où le ciel nous tombe sur la tête et où la fête de la Saint-Jean se replie sous la force de la tempête. Sueurs froides au milieu des bourrasques de sable et des trombes d’eau tiède. La peur se mêle au plaisir intense que procure l’adrénaline.
Dany Rondeau
Ce n’était une surprise pour personne. Ça s’en venait, en direct sur la carte interactive de Météomédia ornée de vert, jaune, orange, rouge; en direct encore quand on levait les yeux vers le nord. Et pourtant.
On était rendues au dessert. Le ciel était noir. Certaines ont décidé de troquer la crème glacée pour la course à pied. De la marina du port de Québec aux bateaux, on met huit minutes en dilettante, cinq quand il y a urgence, vingt quand on doit se cacher de l’orage derrière une voiture.
D’abord est venu le vent et, avec lui, des tourbillons de sable qui pinçaient la peau, nous tiraient des larmes. Puis le ciel s’est déchiré et a libéré ses trombes d’eau. Pas besoin d’imaginer : il suffit de se rappeler les images de typhons en Asie du Sud-Est pour comprendre la puissance de la tempête. Branches cassées, panneaux qui plient, visibilité nulle, bourrasques qui nous poussent dans le dos ou nous empêchent de mettre un pied devant l’autre. Tout d’un coup, la possibilité d’une catastrophe s’est mise à exister.
L’arrivée aux bateaux s’est faite par petits groupes de plus en plus détrempés. Rentrer les chaussures et les vêtements qui séchaient sur les filières, fermer les écoutilles et les toiles qui délimitent l’espace de vie, autant de gestes nés dans la précipitation. Certaines ont eu peur. D’autres se sont amusées, ont été impressionnées, ont partagé leurs meilleures histoires d’événements météo. Le groupe, nouvellement soudé, gardera un souvenir indélébile de cette première soirée d’expédition, une soirée où le ciel de Québec, en guise de feux d’artifice, nous a prouvé encore une fois que la nature excelle dans l’art de faire un bon show.
Chloé LaDuchesse
Comme le jeu de flipper, on nous a donné l’élan, on rebondit de nos demeures urbaines au tracé à suivre pour rejoindre les autres, en ce 23 juin.
La chaleur tape sur la peau, comme quand on se tient trop près du feu, mais sans point focal. Il fait chaud, partout sur le corps.
On s’approche du quai, on rejoint l’équipage en vagues, en clapotis, en tourbillons ou, qui sait, en remous. Personne à la dérive – il y en a qui arrivent en remontant le fleuve, d’autres en le descendant, mais Lui, le Saint-Laurent, demeure au cœur du mouvement. Notre protagoniste.
À l’arrivée, comme un rite d’initiation, comme un geste religieux qui devient vite habitude, on apprend le passage de la terre au bateau, les pieds, trop souvent volés au sol par nos semelles, goûtent à la communion avec le déséquilibre imposé par l’eau.
On veut en savoir plus sur cette autre qui est là, elle aussi, pour aider le fleuve. Chaque premier contact suscite des étincelles, la curiosité éclate. On n’est qu’au début. Les étincelles deviendront feux d’artifice, de ceux qui sont créateurs, de ceux qui ne polluent pas, de ceux dont on gardera le souvenir, même après demain.
Le ciel a voulu nous rejoindre dans nos décharges. À la suite de la canicule, comme un arc à flèches prêt à tirer, la tension monte tout au long de la journée, l’orage tire sa relâche. Devant sa puissance, on l’admire, on en entend les percussions et l’électricité nous énergise. Rechargées, on s’active pour coordonner les mouvements, on s’assure que tout le monde soit bien rentré, à l’abri.
On a reçu une sorte de bénédiction. On est prêtes à lever l’ancre.
Marina de Seta
